Rencontre le 10 juin 2021 du Ministre de la santé avec la conférence des Directeurs de CHU.

Découvrez ci-dessous le discours :

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Ministre, au nom des centres hospitaliers, je vous remercie pour ce temps d’échange en cette période si particulière d’«entre-deux» : la crise sanitaire n’est pas achevée mais nous devons reprendre une activité pleine et entière au service de la population qui a été impactée notamment avec le retard des prises en charge. Et ce dans un cadre nouveau, défini par le Ségur de la santé, Plan jamais égalé en termes d’évolutions de toute nature, de montants financiers et de cadre de pensée.

Une période de transition qui doit également prendre en compte les enseignements de la crise qui n’est pas finie.

Malgré la grande diversité des CH et leur grand nombre, au regard de la situation actuelle et des Accords du Ségur, nos attentes convergent sur trois points.

D’abord, la reconnaissance

Vous l’avez dit, les CH ont tenu depuis 1,5 an et ont montré deux choses :

1) une mobilisation exemplaire de tous leurs personnels avec une capacité de souplesse et d’initiative qui n’a pas faibli
2) une capacité à animer les territoires via les GHT : les établissements-support, en lien avec les établissements-partie ont ré-organisé les filières territoriales, modifié les circuits médicaux, logistiques … mais ils ont aussi animé les territoires et communiqué, y compris auprès des partenaires privés. C’est dire, Monsieur le Ministre, le potentiel de force de « frappe » des GHT. Et jusqu’à aujourd’hui, les CH ont pleinement joué le jeu : déprogrammation, campagne de tests et de vaccination …

Aujourd’hui, malgré la reconnaissance incontestable que les Accords du Ségur ont portée aux hospitaliers, des attentes multiples en terme de reconnaissance demeurent : certaines légitimes, d’autres plus discutables lorsqu’elles prennent leur source dans des revendications catégorielles. Nombreux sont ceux qui s’estiment les « oubliés du Ségur ». Cela n’est pas sans impacter le climat social, une de nos préoccupations majeures, Monsieur le Ministre. A cela, en miroir de la situation qui touche la société dans son ensemble, s’ajoute la montée en puissance de collectifs qui, de fait, court-circuitent les représentants du personnel et l’encadrement, ce qui n’est peut-être pas nouveau mais qui prend de l’ampleur.

A ce contexte, s’ajoute l’arrêt programmé des pratiques de recours à l’intérim médical hors réglementation : cet arrêt est indispensable tant cet intérim impacte la situation financière de nombreux CH et pose parfois question en terme de sécurité des soins. Pour autant, le manque d’anticipation de cet arrêt risque de conduire à la fermeture de services cruciaux comme les urgences-SMUR, les maternités. L’absence d’élaboration d’un plan de continuité des services par les ARS à 3 mois de la mise en œuvre inquiète, inquiète y compris au regard des conséquences de fin d’année traditionnellement marquée par un recours important à cet intérim médical.

Ensuite, une meilleure visibilité

Monsieur le Ministre, vous avez su lancer de très nombreux chantiers via le Ségur mais aussi des missions thématiques, et ce, avec des échéances tenues et nous vous en remercions. Certains chantiers suscitent toutefois des interrogations.

Concernant les finances, les CH ont besoin d’y voir plus clair, notamment sur le traitement de l’année 2021 qui va à nouveau être marquée par la crise. La garantie de financement vaelle être confirmée pour le reste de l’année ? Comment seront traités les surcouts liés à la crise, y compris ceux liés à la vaccination ? De même que les pertes de recettes du fait du frein donné à l’activité programmée notamment chirurgicale mais aussi du fait que, dans certains établissements, le retour à la normale ne va pas être immédiat.

Les besoins spécifiques de financement de la psychiatrie mais aussi du secteur médico-social hospitalier doivent également continuer à faire l’objet d’approches spécifiques, tant les besoins sont cruciaux.

La situation de fin d’année risque d’être difficile à gérer et pourrait l’être davantage dans le climat social que j’ai rappelé. De ce fait, la CNDCH souhaite la prolongation de la garantie de financement jusqu’à la fin de l’année.

Et je ne serais pas complet si je ne vous témoignais pas de l’incompréhension du fait de l’intégration des mesures du Ségur dans les tarifs alors qu’elles devaient faire l’objet d’enveloppes spécifiques.

De même concernant l’investissement, je ne saurais que souligner auprès de vous les besoins spécifiques des CH en investissement : nous avons noté que vous avez validé des projets pour des établissements de taille modeste ou moyenne : merci !

Cette aide est cruciale pour sauver certaines filières de soins et conforter des activités dont on a vu toute l’importance pendant la crise, comme la réanimation/les soins critiques qui doivent faire partie du « socle d’activité » indispensable dans chaque territoire.

Concernant la simplification, si elle constitue un des piliers du Ségur, il faut continuer à avancer. La crise a montré que nous pouvions être beaucoup plus efficients si le cadre était assoupli, simplifié, certaines procédures allégées. Nous nous réjouissons par exemple de la mise en œuvre de la nouvelle procédure d’autorisation ou celle de certification par la HAS : cela va dans le bons sens mais il faut déployer cette dynamique sur d’autres sujets comme la communication entre les différent services de l’Etat et les établissements.

Enfin, la synergie

La synergie des talents hospitaliers, nombreux, vont trouver, grâce au Ségur, un nouveau souffle avec les évolutions qui étaient attendues sur la gouvernance hospitalière bien que beaucoup traduisent une pratique déjà bien ancrée dans la réalité de nos CH, ce qu’a d’ailleurs souligné le rapport Claris. Nous souhaitons que la circulaire d’application reste un outil de synthèse permettant la liberté d’initiative et d’innovation aux acteurs des CH et des GHT.

Concernant les GHT, nous soulignons notre souhait d’aller beaucoup plus loin, notamment pour qu’ils disposent de nouveaux outils, par exemple pour constituer de véritables équipes médicales territoriales.

La réingénierie des métiers de la santé que vous avez débutée doit se poursuivre par la mobilisation de tous les leviers comme les IPA, la rénovation du rôle et de la place des sagesfemmes, démarche qui peut être suivie pour la création de véritables métiers médicosoignants.

En conclusion, Monsieur le Ministre, vous pouvez compter sur l’engagement des directeurs des centres hospitaliers. A cet égard, je vous remercie car notre conférence est pleinement associée et impliquée par l’ensemble de vos services, particulièrement votre cabinet et la DGOS. Aussi, je ne doute pas que nos sujets de préoccupation majeure vont pouvoir trouver des solutions dans le cadre de ce dialogue permanent.

Enfin, je vous témoigne de l’engagement de la conférence à ce que le développement durable, dans tous ses volets, environnemental et social, se traduise véritablement par la prise en compte de la responsabilité sociétale des centres hospitaliers car, dans les territoires, la place
et le rôle des établissements de santé dépassent, de loin, les seules questions sanitaires et nous en avons pleinement conscience.

Je vous remercie, Monsieur le Ministre.

M. Francis SAINT-HUBERT